Faut-il tout dire ?
Rappelez-vous. Lorsque Pierre a annoncé sa maladie, c’était autant pour ne pas la cacher que parce qu’il recherchait du soutien auprès de ses amis. Il avait su dépasser sa crainte d’inquiéter ses proches, pour placer la vérité au cœur de leurs relations.
Mais peut-on tout dire ? Et faut-il tout dire ?
La sagesse populaire nous enseigne que « toute vérité n’est pas bonne à dire ». Nous comprenons qu’il vaut mieux taire certaines choses qui pourraient faire de la peine ou du mal à l’autre. Nous hésitons à signaler quelque chose comme « tu as une tâche sur ton pull » car nous ne voulons pas mettre l’autre mal à l’aise. Et pourtant, nous préférons tous sortir avec un pull propre !
Il y a des choses plus difficiles à partager, comme « je m’ennuie ici », « le repas est médiocre » ou « tu as encore trop bu ». Ce sera probablement perçu comme une critique, même s’il s’agit d’une vérité. La nommer permettrait pourtant de faire bouger les choses. Mon conseil alors sera : parlez de vous et de ce que vous éprouvez, dites « je » à la place de « tu », proposez une issue acceptable (par l’autre) à cette situation insupportable (pour vous). Il existe des techniques de communication assertive, qui sont d’un grand secours pour dire les choses et désamorcer les possibles conflits.
Et puis il y a les secrets. Je ne parle pas des secrets ponctués d’un « ne le dis à personne » qui a toutes les chances d’être trahi un jour ou l’autre… Nous savons d’expérience qu’une information partagée avec quelques-uns va se propager tôt ou tard. Notons que c’est parfois une stratégie très efficace pour « dire sans le dire », voire de vérifier l’effet possible d’une nouvelle difficile à communiquer. Pensez aux bruits de couloir : il y a rarement de la fumée sans feu…
Les secrets dits « de famille » sont particuliers, car ils procèdent généralement d’un sentiment de honte ou de culpabilité, éprouvé collectivement par un groupe de personnes liées par le sang. Il peut s’agir de naissance adultérine, de faillite ou de suicide, d’homosexualité ou de viol…, d’événements jugés immoraux au sein de cette famille. Les secrets peuvent concerner également quelques entreprises, où il ne fait pas bon parler de certaines choses… Mais avec le temps, les langues se délient, ce qui peut être très douloureux pour celui ou celle qui ne savait pas, à qui on n’avait rien dit, ou qui n’avait pas voulu voir les choses en face…
Enfin, l’actualité récente nous rappelle que nous avons pu subir personnellement des traumatismes sévères dont nous n’avons jamais osé parler à quiconque. C’est la honte ou une illusion de culpabilité, individuelle cette fois, qui empêche de nommer la violence et l’outrage. Ces sentiments prennent facilement plus de place que notre colère ou notre besoin de justice, et nous retiennent d’en parler. Le chemin vers l’apaisement est difficile.
C’est en tout cas dans la libération de la parole que se restaure l’estime de soi.